samedi 25 février 2012

Critique 311 : THE MOTH, de Gary Martin et Steve Rude

The Moth rassemble les épisodes 1 à 4, la "Special Issue" et l'extrait de Dark Horse Presents n° 138, de la série créée et dessinée par Steve Rude et écrite et encrée par Gary Martin, publiée en 2004 par Dark Horse Comics.
Comme The Silencer, un autre personnage créé par Steve Rude, The Moth a été imaginé initialement pour une collection de cartes. Puis avec son encreur Gary Martin, le dessinateur a entrepris de développer une série avec ce héros costumé en 2004. Tous les épisodes ont été collectés dans ce recueil paru en 2005 chez Dark Horse Comics : les 42 pages de The Moth Double-Sized Special, les 8 pages de l'histoire publiée dans l'anthologie Dark Horse Presents (# 138), et les quatre épisodes de de 22 pages de la mini-série The Moth. Malheureusement, depuis, le titre n'a pas connu de suite.
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The Moth est, dans le civil, Jack Mahoney, un jeune et vigoureux arobate qui hérite du Vansant Circus. Il veille sur son frère jumeau, Tad, et sur les membres de la troupe. A l'occasion, il se déguise et loue ses services pour financer le cirque.
Jack est un athlète qui possède un solide physique après avoir été séparé, alors qu'ils étaient encore bébés, de Tad (qui, lui, souffre depuis de nanisme), et son costume de justicier est doté de plusieurs gadgets (comme des ailes qui lui permettent de voler, des fumigènes dans ses gants...). Mais il n'a aucun super-pouvoir.
Néanmoins, il ne manque pas d'adversaires entre un gang de bikers, des gangsters, des mercenaires, ou un homme-lion, incarnation d'un démon africain. 
Détails du costume de The Moth, par Steve Rude.

The Moth compte également quelques alliés. D'abord parce que sa double vie est connue de tous les membres de sa troupe, qui le soutiennent sans réserve (même si les clowns le charrient volontiers), comme l'haltérophile Melvin ou la femme à barbe Sophia. Ensuite il fait la connaissance, lors d'une de ses missions en ville, d'American Liberty, une autre justicière, très médiatisée depuis qu'elle a succédé à son père, et qui collabore en secret avec le F.B.I. - qui connaît tout du passé de Jack... 


La couverture et deux planches de The Moth Special Issue,
par Steve Rude.
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Le plus frustrant avec cette série est qu'elle s'achève sur un cliffhanger et une affaire irrésolue (contre un trio de "ninjettes" voleuses). Il semble que de faibles ventes aient conduit Dark Horse Comics à annuler le titre, bien que Steve Rude et Gary Martin avaient de grands plans pour leur héros comme en témoignent les annonces à la dernière page du recueil.
Rude et sa femme ont co-fondé "Rude Dude Productions" pour auto-éditer les oeuvres de l'artiste, mais sans grand résultat, et The Moth est resté dans les lîmbes depuis 2004 et son 4ème épisode. Dommage, car le matériel avait un potentiel très prometteur, celui d'une production atypique à contre-courant de beaucoup de comics super-héroïques.
(Pour l'anecdote, Steve Rude avait initialement proposé The Moth à Image Comics mais l'éditeur, gêné par le logo du héros - une tête de mort ressemblant à celle qui orne le costume du Punisher - avait préféré refuser par crainte d'une action en justice de Marvel.)


3 planches de The Moth #1 (avevc la 1ère apparition
d'American Liberty) par Steve Rude.

La prépondérance des anti-héros dans les comics fait de The Moth une série rafraîchissante : c'est en effet un héros qui va à l'encontre de la mode des justiciers cyniques et évoque plutôt les personnages des âges d'or et d'argent (des années 40 à 60 donc). Les aventures de Jack Mahoney ont un aspect intemporel et léger, très divertissant et premier degré, avec des braves d'un côté et de grosses crapules de l'autre, de vrais bons et de vrais méchants à l'ancienne, avec leur lot de clichés.
Par ailleurs, The Moth se pose comme l'opposé de Nexus, l'autre héros emblématique de la carrière de Rude, évoluant non plus dans l'espace, avec des aliens, mais dans un environnement urbain et le milieu folklorique du cirque, avec sa cohorte de "freaks" (la référence au chef-d'oeuvre de Tod Browning est évidente, sans le côté tragique).


3 planches de The Moth #2 par Steve Rude.

Mais, soyons honnête, plus que ses qualités scénaristiques (modestes au demeurant, avec des intrigues assez sommaires et quelques blagues scatologiques dispensables), ce qui rend The Moth vraiment attrayant, c'est sa partie graphique.
Steve Rude est un immense artiste, qui synthétise tout ce qu'on peut aimer chez Jack Kirby (pour l'intensité), John Romita Sr (pour la finesse) et Alex Toth (quand bien même ce dernier ne fut pas tendre avec lui quand il critiqua, à la demande du "Dude", des planches de Jonny Quest : tapez "Alex Toth Steve Rude"sur Google et vous trouverez facilement les détails de cette échange). The Moth est une création qui lui tenait visiblement à coeur et, comme il se doit, il l'a particulièrement gâté. Ses planches sont des modèles du genre, avec des compositions élégantes et fortes, un découpage à la fois simple mais inventif, une fluiditié exceptionnelle.
Et l'encrage, d'une finesse pafaite, de Gary Martin sert à merveille ce trait précis et puissant, tout comme le font les couleurs de Glenn Whitmore (sans oublier le lettrage manuel - Rude insiste sur ce point - de Patrick Owsley).




Ci-dessus, quand on examine ces quatre planches du 4ème épisode, on ne peut que regretter et que la série n'ait pas été prolongée, mais plus encore que Rude ne produise pas davantage (certes son caractère difficile lui a joué des tours, mais quel gâchis de la part des grands éditeurs que de se priver d'un tel talent !).
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L'album se conclut sur une douzaine de pages de bonus : une postface de Rude, des photos de l'artiste lors de signatures (avec ses enfants mais aussi aux côtés du légendaire John Romita Sr !), une histoire originale illustrée de trois pages (The Honeypot of Doom), un poster d'American Liberty (dessiné, encré et colorisé par Gary Martin) et des lettres de fans (dont Joe Casey avec lequel le "Dude" collabora sur la mini-série X-Men : Children of Atom).
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Comme je le disais au début de cette critique, la série s'achève en plein vol et des questions restent sans réponses (quelles sont les origines exactes du héros ? Pourquoi ce surnom ? Quid du partenariat d'American Liberty avec le FBI ? Et des trois cambrioleuses ? Etc). Il est très improbable qu'on retrouve The Moth un jour (Rude travaille actuellement au retour de Nexus), mais quoi qu'il en soit, ce recueil est une bien belle bande dessinée signée par un des tout meilleurs artistes modernes.

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